Nous assistons depuis octobre 2024 à un phénomène intéressant dans l’industrie vidéoludique : Sandfall Interactive a réussi l’exploit de transformer Clair Obscur : Expedition 33 en véritable hymne à la France. Avec 5 millions d’exemplaires écoulés, ce RPG prouve qu’assumer pleinement ses origines culturelles peut devenir un atout commercial majeur. Tom Guillermin, directeur technique du studio, nous a confié avec un sourire que « il serait difficile d’embrasser notre identité française davantage« . Une stratégie marketing qui rivalise presque avec les coups de com’ d’un certain milliardaire sud-africain, mais en version tricolore et nettement plus sympathique.
L’équipe française de Sandfall n’a pas fait dans la demi-mesure. Entre les mimes hostiles, les bérets rouges et les baguettes portées fièrement par les personnages, nous observons un univers qui revendique ses racines sans complexe. Cette approche audacieuse transforme chaque élément de gameplay en clin d’œil culturel, créant une expérience unique qui séduit autant les joueurs hexagonaux qu’internationaux.
L’art subtil du cliché assumé
François Meurisse, COO et producteur chez Sandfall, nous révèle les coulisses de cette stratégie d’identité culturelle. Le fameux Baguette Trailer de octobre 2024 illustre parfaitement cette démarche : face aux critiques concernant l’absence initiale de doublage français, l’équipe a répondu avec humour en dévoilant son casting vocal dans une bande-annonce où tous les personnages arborent des costumes de baguette. Une approche qui nous rappelle l’importance de l’autodérision, qualité qu’apprécieraient même nos amis caprins les plus exigeants.
Cette stratégie marketing s’est révélée particulièrement efficace. Les éléments initialement conçus comme des plaisanteries internes – mimes, bérets et baguettes – sont devenus les signatures visuelles les plus appréciées du jeu. L’homme-poubelle du prologue, qui se cache pour échapper à la Paintress avant de déclarer « J’ai 33 ans aujourd’hui, vous pouvez croire à ma chance ?« , est devenu un mème viral parmi la communauté.
| Élément français | Utilisation dans le jeu | Impact sur les joueurs |
|---|---|---|
| Bérets rouges | Costumes de personnages | Cosplays massifs |
| Baguettes | Accessoires équipés | Mèmes internet |
| Mimes | Ennemis récurrents | Reconnaissance immédiate |
Lumière, miroir déformé de Paris
L’environnement principal du jeu, Lumière, représente une France post-apocalyptique particulièrement saisissante. Cette ville fictive intègre une version tordue de la tour Eiffel, brisée et pliée selon un angle impossible, symbole puissant d’un monde bouleversé. Meurisse explique que les artistes ont bénéficié d’une liberté créative totale pour incorporer leurs références culturelles, malgré certaines contraintes techniques limitant la densité urbaine.
Le prologue de Lumière constitue l’une des séquences narratives les plus marquantes du jeu. Nous y contrôlons Gustave ou sa compagne Sophie, dans une mise en scène émotionnelle qui établit immédiatement les enjeux dramatiques. Cette séquence, initialement perçue comme vide par l’équipe, a été entièrement repensée par Guillaume Broche, directeur créatif, qui y a ajouté de nombreux PNJ et éléments de storytelling environnemental.
Les références françaises s’étendent bien au-delà des stéréotypes visuels. Le système de nommage des personnages reflète cette volonté d’authenticité : François, ami d’Esquie dans le jeu, porte le même prénom que le producteur, créant un lien symbolique entre créateurs et création. Cette coïncidence assumée témoigne de l’approche décontractée du studio face aux clichés culturels.
Quand l’humour français conquiert le monde
L’impact international de ces choix créatifs dépasse toutes les espérances de Sandfall. Lors de la Dragon Con d’Atlanta, 200 cosplayers ont reproduit les costumes de l’Expédition 60, cette fameuse « expédition nue » mentionnée dans les journaux collectibles du jeu. Meurisse avoue sa stupéfaction face à cette appropriation culturelle inattendue, partageant massivement ces photos sur les réseaux sociaux.
Les journaux collectibles révèlent d’ailleurs l’étendue de l’imagination narrative de l’équipe. Ces documents racontent les mésaventures des expéditions précédentes, notamment celle qui tomba malade après avoir consommé des Nevrons. Guillermin confie avec malice que « dès qu’on a une expédition nue, je pense qu’on atteint le summum de l’originalité« .
Cette réussite nous prouve qu’assumer ses origines culturelles, même de manière exagérée, peut créer une identité forte capable d’infliger des dégâts considérables à la concurrence internationale. Une leçon que certains dirigeants d’entreprises technologiques feraient bien de méditer, plutôt que de multiplier les déclarations controversées sur leurs plateformes sociales.



