Avec un développement de près de deux ans et un coût de production très élevé, Project DIVA f & F constitue sans aucun doute l’épisode le plus ambitieux de la série. Produit conjointement par les équipes des opus PSP et de Project DIVA Arcade, cet épisode se démarque par un contenu intégralement inédit ainsi que de nouveaux éléments de gameplay. Il signe surtout l’arrivée de la licence sur une portable de la nouvelle génération, la PSVita, et marque en même temps le premier épisode autonome pour PlayStation 3. Est-ce suffisant pour satisfaire la soif des fans de la série ?

Quand ƒ tend vers l’inédit

Exit la PSP, place à la PSVita et la PS3 ! Quitte à changer de support, SEGA a profité de l’occasion pour offrir à son jeu à tout nouveau moteur 3D. L’objectif n’était pas seulement de s’adapter à la puissance de la console : la base de Dreamy Theater aurait très bien pu convenir. Il s’agissait en réalité de s’affranchir des limitations du précédent moteur vieillissant. Jeu en mains, il ne faut pas longtemps pour remarquer le fossé entre cet épisode et l’ensemble des opus précédents : le panel d’animations des personnages est impressionnant, octroyant plus que jamais des mouvements réalistes et fluides aux différents chanteurs. Les expressions faciales ont également bénéficié de ce renouveau. Enfin, les développeurs ont jugé nécessaire de conserver le character design des épisodes PSP au détriment du style rondouillard des Dreamy Theater et de la borne d’arcade. Si la modélisation des personnages et des décors est très convaincante, on pourra parfois s’étonner d’un rendu pas toujours très net sur PSVita, particulièrement visible sur les modèles 3D des menus. Sur PS3, ce défaut sont en revanche atténué : la console affiche un rendu particulièrement propre. Sur les deux machines, le jeu tourne en tout cas à 30fps sans broncher ; les puristes auraient aimé que Project DIVA f & F tourne en 60fps comme les Dreamy Theater, mais c’était sans doute trop demander aux capacités des deux consoles.

Le moteur de jeu n’est pas la seule évolution de la série : SEGA a tout simplement décidé de faire table rase du passé en terme de contenu. Ainsi, les 32 musiques disponibles (ou 38 sur PS3) sont inédites dans la licence. Project DIVA f se démarque alors par une très grande variété de sa playlist, faisant cohabiter des morceaux célèbres comme Black Rock Shooter avec des titres moins médiatisés mais tout aussi bons. SEGA ne s’est pas arrêté à une simple sélection puisque les développeurs se sont entourés de compositeurs célèbres afin de produire pas moins de six musiques inédites pour le jeu. Bien entendu, l’appréciation de la tracklist du jeu reste liée aux goûts des joueurs, mais on ne peut nier la qualité évidente des musiques proposées. De plus, si ces dernières se centrent autour des six VOCALOID habituels (Miku, Rin, Len, Luka, Meiko et Kaito), elles offrent suffisamment d’éclairage aux différents protagonistes en multipliant les interventions croisées. Le jeu ne se limite plus en effet aux duos et désormais, trois, voir quatre personnages, peuvent rejoindre la scène en même temps. la version PlayStation intègre par ailleurs d’office 6 musiques supplémentaires, avec des titres très populaires tels que Tell Your World ou Senbonzakura.

La flexibilité du nouveau moteur graphique a permis en tout cas aux développeurs de nous proposer des PV remarquables par leur mise en scène et leur variété. Les développeurs se sont appuyés sur l’expérience des épisodes précédents, tout en poussant le dynamisme des clips. Représentations scéniques avec présence de figurants, superpositions de plans 2D mêlés de 3D, balades : il y en aura pour tous les goûts, et le jeu offre un spectacle plus que jamais vivant et coloré. Project DIVA f peut également compter sur plus de 80 modules pour habiller vos personnages. Là aussi, SEGA a pris le pari risqué de repartir de zéro en ne proposant que des costumes inédits. Choix fort réussi tant l’intégralité des nouveaux habits respire la classe, témoin de l’immense travail apporté par de nombreux illustrateurs reconnus de la scène VOCALOID, mais également par la communauté des fans via un concours PIAPRO.

Si le nombre plutôt conséquent de modules ne vous suffit pas, Project DIVA f & F introduit également des accessoires. Il est ainsi possible de débloquer différents objets comme des lunettes, des oreilles de chat ou des ailes pour personnaliser le look de vos personnages. Plus précisément, les accessoires peuvent être équipés sur la tête, la face, la poitrine et le dos. L’idée permet ainsi de composer de véritables déclinaisons des modules, décuplant les apparences possibles. On se rend cela-dit vite compte que ces accessoires ont été pour la Team Project DIVA un véritable défouloir, tant on peut compter d’objets délirants voir absurdes. On aurait à la limite aimé plus d’objets, mais cette avancée est déjà en elle-même une excellente initiative.


Des étoiles plein les yeux

Le concept même de Project DIVA f n’a pas changé d’un fil : il s’agit toujours de valider une succession de touches reprenant l’aspect des symboles PlayStation. Ces derniers défilent le long de l’écran avant d’atteindre un marqueur flanqué d’une horloge, permettant au joueur d’appréhender le bon timing. Les touches maintenues et les doubles notes W sont également de retour, mais ce n’est pas tout : le système de jeu évolue enfin depuis Project DIVA 2nd, avec l’arrivée et la refonte de plusieurs mécanismes. La nouveauté la plus visible concerne l’ajout des notes dites « Scratch », symbolisées par des étoiles dorées. Le joueur devra valider ces nouveaux symboles à l’aide des surfaces tactiles de la PSVita (que ce soit par l’écran tactile ou le trackpad arrière), ou avec les joysticks sur PS3.

Comme le nom le laisse deviner, il ne s’agit pas de tapoter bêtement le tactile pour continuer son combo : il faut au contraire réaliser un mouvement sec au passage de l’étoile sur le marqueur. Sur PSVita, si l’on pouvait craindre que cette pointe de tactile ne vienne perturber le gameplay exigeant de Project DIVA, elle s’intègre dans les faits plutôt bien au jeu tant le mécanisme est suffisamment précis, agréable et finalement peu envahissant par sa présence à dose homéopathique. Les avis sont plus contrastés sur PS3 où le geste au joystick peut sembler moins naturel ; pire, remuer frénétiquement le stick dans tous les sens permet en principe de valider sans encombre toutes les notes. Il ne vous empêchera toutefois pas de réaliser vos scores correctement, et c’est bien là l’essentiel.

Les mécanismes du jeu s’enrichissent également des zones techniques. Disséminées tout au long des PV, ces phases demandent au joueur de valider un combo de notes données. Une seule erreur conduit à la fin prématurée de la zone, entraînant par la même occasion la perte d’un grand bonus de points. Le capital amassé lors de la réussite de ces phases est parfois si grand qu’il peut bien souvent se révéler indispensable à l’obtention d’une bonne mention.

Face à l’empiétement des zones techniques, le CHANCE TIME se voit attribuer un nouveau rôle afin de justifier son maintien. Désormais, la succession de notes lors de cette séquence permet de remplir une jauge étoilée en bas de l’écran. Si le joueur parvient à compléter cette dernière, il devra balayer à la fin de la zone une grande note Scratch. La réussite du CHANCE TIME s’accompagne alors d’un changement visuel dans le PV. Fondamentalement, il ne faut pas s’attendre à découvrir deux versions radicalement différentes du clip en fonction de ses performances : il s’agit le plus souvent d’un simple artifice, fort joli il est vrai, tel un lâcher de confettis, des feux d’articles ou encore un plan très modifié. L’idée est en soit très séduisante car ces zones interviennent dans les moments forts des musiques, mais on regrette que SEGA se soit montré au final un peu trop timide dans les variations.

Question difficulté, Project DIVA f & F suit les traces de Project DIVA extend, en proposant un challenge relevé par rapport à Project DIVA 2nd. Les quatre niveaux proposés permettront cela-dit à tous les joueurs de trouver leur compte, du débutant en la matière au puriste de la série. Fidèle à l’esprit de Project DIVA, la marge de progression est importante dans le jeu, tout en proposant des aménagements de la difficulté avec les Help Itemps (pour faciliter) ou les Challenge Items (pour corser le tout, en échange d’un bonus de DIVA Points). On s’étonnera juste que SEGA s’obstine à ne pas proposer des leaderboards online, un comble quand on sait que même la série Miku Flick sur iOS propose une telle fonctionnalité. Le jeu intègre par contre de nombreux trophées à débloquer, assez facilement il est vrai, mais qui conviendront à la plupart des joueurs.


Vis ma vie de VOCALOID

Présent depuis les origines de la série, le mode DIVA Room signe son retour dans Project DIVA f. Les joueurs seront ainsi ravis de fréquenter ce simulateur de vie à la sauce VOCALOID entre deux parties du jeu de rythme. Chacun des six personnages bénéficie de sa propre chambre que vous pouvez intégralement redécorer à l’aide de nombreux meubles. Vous pouvez bien évidemment interagir avec les occupants des lieux en leur offrant des cadeaux ou leur notifiant certains objets entreposés, l’occasion de démarrer l’une des nombreuses cinématiques du mode.

En tout, ce ne sont pas moins de 79 événements que vous pourrez visionner en fonction de vos actions. L’interaction avec les personnages passent également par l’usage des surfaces tactiles. Le jeu vous place alors en tête à tête avec votre compagnon virtuel. La déception tient cependant dans la grande limitation des actions possibles : les interactions se comptent sur les doigts d’une seule main, et l’on passera la majeure partie de son temps à caresser la tête du VOCALOID comme on féliciterait un chien qui vient de vous ramener une balle. Lorsque les personnages sont de bonne humeur, ils peuvent également vous proposer une partie de pierre-papier-ciseau, usant à la fois des touches de la console, de l’écran tactile et du gyroscope.

Globalement, le problème de la DIVA Room tient dans l’exacte similitude des comportements entre les différents personnages. Tous font ainsi les mêmes actions et les mêmes mouvements. Bien sur, la DIVA Room n’est qu’un mode secondaire, mais on peut regretter que SEGA n’ait pas profité de ce nouvel opus pour apporter plus de variété et de profondeur (d’autant plus que les chasseurs de trophées seront contraints d’y passer un certain temps).


Dans le creux de la main

Véritable vitrine des fonctionnalités de la PSVita, Project DIVA f se devait d’introduire de la réalité augmentée. Celle-ci se découpe en deux grands modes distincts. Le joueur pourra tout d’abord visionner un live virtuel basé sur les récents concerts SEGA. Il suffit de scanner une carte AR pour voir la diva s’afficher face à vous. Les développeurs ont su toutefois tirer les leçons de Project Mirai, en s’affranchissant le plus possible des marqueurs physiques ; ainsi, une fois la carte analysée, le joueur n’a plus besoin de la viser directement pour continuer à profiter de la réalité augmentée. Au contraire, le gyroscope de la machine est mis à profit pour regarder sous tous les angles Miku Hatsune. La faiblesse de ce mode live tient cependant dans le faible contenu proposé : on aura vite fait le tour des quatre musiques disponibles, et on regrette que SEGA n’ait pas choisi d’intégrer des morceaux de la playlist du jeu comme les développeurs l’avaient fait pour Project Mirai en en temps. On se consolera avec la possibilité d’utiliser des Edit Play par l’intermédiaire de ce mode.

La réalité augmentée est également mise à l’honneur avec un mode photomaton. Comme son nom l’indique, il s’agit de prendre des clichés des personnages dans votre propre environnement. Ici, pas besoin de carte : le joueur configure entièrement les habits, la taille et le placement des personnages. Un large panel de poses et d’expressions faciales vous permet de laisser libre court à vos talents de photographe dans ce mode gadget certes, mais diablement bien pensé. On aurait aimé que le capteur photo de la PSVita se montre bien plus performant pour rendre de meilleures photos, mais on ne peut pas mettre ce bémol sur le compte du jeu.

Face à la difficulté d’intégrer le mode de réalité augmentée dans la version PS3, SEGA a préféré remplacer cette fonction sur console de salon. Project DIVA F hérite d’un tout nouveau mode live, différent de celui présent sur la version PSVita. Tout en s’inspirant des fonctionnalités du live de Dreamy Theater extend, Project DIVA F reprend cette fois-ci les couleurs du concert DAIBA de DIVA, accompagné de nouvelles musiques : Weekender Girl, ODDS&ENDS, Time Machine et 39. Ce mode sera compatible avec la vision 3D. Tout comme la réalité augmentée sur PSVita, l’intérêt reste également limité sur PS3 et fait plus office de gadget sur le long terme.


Un artiste sommeille en chacun de nous

Que serait un Project DIVA sans son mode d’édition ? Le jeu permet toujours aux créateurs en herbe de préparer de toutes pièces des PV de musiques supplémentaires. Après plusieurs années de bons et loyaux services, l’ancienne interface de l’Edit Mode prend une retraite méritée avec une véritable refonte des outils de création. Désormais, le montage s’organise autour d’une fenêtre permettant de visualiser à n’importe quel moment les modifications de son travail. Une nouveauté incontestablement bienvenue pour limiter les déplacements incessants dans les menus.

L’Edit Mode a du également s’adapter aux spécificités de la PSVita en modifiant son mode de distribution. Sony a en effet cru bon de limiter au possible les échanges de fichiers et l’accès aux cartes mémoires de la console. Ainsi, il n’est plus possible sur PSVita de charger des sauvegardes depuis un ordinateur comme dans les précédents opus. Pour palier ce défaut qui mettait en péril l’utilité du mode, Project DIVA f s’est tout d’abord armé d’une fonction d’échange en local. Plus intéressant est la possibilité de partager ses créations en ligne, via le PSN. SEGA a ainsi instauré une plateforme de téléchargement regroupant l’ensemble des Edit Play des créateurs. Sur le papier, l’idée est convaincante mais elle est dans les faits légèrement minée par l’absence pure et simple d’outils de recherche élaborés. La seul moyen d’accéder directement à un fichier passe par l’entrée du pseudonyme PSN du créateur, mais on aurait aimé pouvoir chercher le nom des musiques voir y accéder par leur numéro de création. Un choix étonnant et peu ergonomique qui condamne l’utilisateur insouciant à naviguer à l’aveugle parmi des centaines de pages. Sur PS3, la plateforme est également disponible, mais il reste possible de s’échanger à nouveau les fichiers sauvegardes.

Terminons par des considérations générales sur l’interface même du jeu : les menus ont été repensés et intègrent désormais les fonctions tactiles. Il est également possible d’associer à chaque PV son propre module, ce qui évite des allers-retours incessants. Enfin, difficile de ne pas évoquer les magnifiques dessins qui ornent les écrans de chargement, oeuvres d’une collaboration de SEGA avec des artistes de PIAPRO et autres illustrateurs célèbres.


Conclusion

Si Project DIVA f & F ne révolutionne pas la série, il démontre le savoir-faire et le sérieux des équipes de SEGA. Les développeurs ont fait le pari de proposer un contenu intégralement inédit, résultant à une playlist amoindrie mais pourtant non dénuée de qualités. Avec son travail d’orfèvre sur la mise en scène des PV, ses très nombreux modules et ses accessoires, Project DIVA f & F se paie le luxe d’apporter de nouveaux éléments de gameplay, dont une intégration du tactile très réussie. On pourra toujours pester sur la lourdeur du partage des musiques personnalisées ou d’une DIVA Room franchement limitée, mais tout ceci ne concerne finalement que les à-côtés du jeu. Soyons clairs, à l’exception du nombre de musiques, la partie jeu de rythme est irréprochable. D’un point de vue qualitatif, Project DIVA f & F peut donc revendiquer sans rougir l’étiquette de l’épisode le plus abouti de la série.

En Bref :

+ Des PV explosifs et inspirés
+ L’animation sans faille et les expressions faciales du nouveau moteur 3D

+ L’intégration fort réussie des notes tactiles
+ Une playlist variée et de grande qualité
+ Réussite des 80 nouveaux modules
+ Les accessoires pour décupler les apparences

+ Difficulté bien répartie sur les quatre niveaux
+ La grande beauté des très nombreux artworks lors des chargement
+ Photomaton en réalité augmentée très complet
+ Le contenu supplémentaire de grande qualité de la version PlayStation 3

- Quelques musiques en plus auraient été bienvenues
- Les effets du CHANCE TIME trop timides
- Le mode DIVA Room limité et redondant
- Plateforme décevante pour le partage online des Edit Play
- Pour les puristes, pas de 60fps.